Page:Beaumarchais - Œuvres complètes, Laplace, 1876.djvu/319

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Pour qu’on l’ose frapper sans l’ordre du sultan.,

(À Tarare, à part.)

En suspendant leurs coups, je te sauve peut-être.

URSON, avec douleur. Tarare infortuné ! qui peut le désarmer ? Nos larmes contre toi vont encor l’animer !

CHŒUR DOULOUREUX DE SOLDATS. Tarare infortuné ! qui peut le désarmer ? Nos larmes contre toi vont encor l’animer !

TARARE. Ne plaignez point mon sort, respectez votre maître : Puissiez-vous un jour l’estimer ! (On emmène Tarare.) URSON, bas à Calpigi. Calpigi, songe à toi ; la foudre est sur deux têtes. (Il sort.)

SCÈNE VIII

CALPIGI, seul, d’un ton décidé. Sur deux têtes la foudre, et l’on m’ose nommer ! Elle en menace trois, Atar ; et ces tempêtes, Que ta haine alluma, pourront te consumer. Va, l’abus du pouvoir suprême Finit toujours par l’ébranler : Le méchant, qui fait tout trembler, Est bien près de trembler lui-même. Cette nuit, despote inhumain, Tarare excitait ta furie ; Ta haine menaçait sa vie, Quand la tienne était dans sa main. Va, l’abus du pouvoir suprême Finit toujours par l’ébranler : Le méchant, qui fait tout trembler, Est bien près de trembler lui-même. (Il sort.)


ACTE CINQUIÈME

Le théâtre représente une cour intérieure du palais d’Atar. Au milieu est un bûcher ; au pied du bûcher, un billot, des chaînes, des haches, des massues, et autres instruments d’un supplice.

SCÈNE I

ATAR, eunuques, suite. ATAR examine avec aridité le bûcher et tous les apprêts du supplice de Tarare. Fantôme vain, idole populaire, Dont le nom seul excitait ma colère, Tarare !… enfin tu mourras cette fois ! Ah ! pour Atar quel bien céleste, D’immoler l’objet qu’il déteste Avec le fer souple des lois ! (Aux eunuques.) Trouve-t-on Calpigi ?

UN EUNUQUE. Seigneur, on suit sa trace. ATAR. À qui l’arrêtera je donnerai sa place. (Les eunuques sortent en courant.)

SCÈNE II

ATAR, ARTHENÉE. (Deux files de prêtres le suivent l’une en blanc, dont le premier prêtre porte un drapeau blanc, où sont écrits en lettres d’or ces mots : la vie. L’autre file de prêtres est en noir, couverte de crêpes, dont le premier pi être porte un drapeau noir, où sont écrits ces mots en lettres d’argent : la mort.)

ARTHENÉE s’avance, bien sombre. Que veux-tu, roi d’Ormus ? et quel nouveau malheur Te force d’arracher un père à sa douleur ?

ATAR. Ah ! si l’espoir d’une prompte vengeance Peut l’adoucir, reçois-en l’assurance. Dans mon sérail on a surpris L’affreux meurtrier de ton fils. Je tiens la victime enchaînée, Et veux que par toi-même elle soit condamnée. Dis un mot, le trépas l’attend.

ARTHENÉE. Atar, c’était en l’arrêtant… Sans avoir l’air de le connaître, Il fallait poignarder le traître : Je tremble qu’il ne soit trop tard ! Chaque instant, le moindre retard Sur ton bras peut fermer le piége.

ATAR. Quel démon, quel dieu le protége ? Tout me confond de cette part ! ARTHENÉE. Son démon, c’est une àme forte, Un cœur sensible et généreux, Que tout émeut, que rien n’emporte : Un tel homme est bien dangereux !

SCÈNE III

ATAR, ARTHENÉE, TARARE enchaîné, soldats, ESCLAVES, SUITE, PRÊTRES DE LA VIE ET DE LA MORT. ATAR. Approche, malheureux ! viens subir le supplice Qu’un crime irrémissible arrache à ma justice. TARARE. Qu’elle soit juste ou non, je demande la mort. De tes plaisirs j’ai violé l’asile,