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le château vert

le jour que je t’indiquerai. Quant à l’aide que tu sollicites une fois encore, viens chez moi demain matin.

— Bon ! Et mille fois merci, monsieur Barrière.

Tandis que Micquemic achevait la bouteille, Barrière paya les consommations. Après quoi, saluant d’un bonsoir cordial les clients familiers, qu’excitaient en leurs puériles discussions la fièvre de jeu et le feu de l’alcool, il sortit.

Le lendemain, vers dix heures de la matinée, Micquemic n’oublia point de se rendre chez l’horticulteur. Or, il atteignait la grille des Ravin, lorsqu’il reconnut devant leur porte, contre le trottoir, l’auto de M. Philippe. Avant de tourner dans le chemin rustique des Barrière, il s’arrêta une seconde, par curiosité de gueux toujours à l’affût de bonnes occasions de quémande. Comme Mme Ravin accompagnait son fils à la voiture, il eut envie de leur présenter quelque prière. Mais ils ne l’auraient pas écouté. Car ils semblaient tellement soucieux qu’ils ne le regardèrent même pas. Alors, de ses jambes cagneuses, il s’engagea dans le chemin et, sans hésitation, il pressa le timbre a la porte des Barrière.

Celui-ci, dans le fond du jardin, parmi la jolie clarté du soleil matinal, déblayait d’un amas de feuilles mortes une rangée de fins roseaux japonais.

— Me voilà ! salua Micquemic.

— Je savais qu’aujourd’hui tu ne manquerais pas au rendez-vous. Nous verrons si plus tard tu seras également exact.

— Plus tard, quand vous voudrez.

— En attendant, vaurien, prends ce billet de cinquante. Seulement, tu sais, ce n’est pas pour acheter ton témoignage. J’entends que toujours et partout tu dises la vérité.

— Ce n’est pas difficile.

Micquemic, qui s’était emparé du billot pour l’enfouir dans la poche de son pantalon tout bariolé de rapiéçages, aurait maintenant, pour complaire à M. Barrière, consenti à renier ses père et mère.

— Et M. Barrière, savez-vous ce que je viens de voir !

— Ne mens pas, au moins.

— Par exemple !… Dans quel intérêt mentir !… J’ai vu, devant la porte des Ravin, une auto, et puis Mme Ravin qui accompagnait M. Philippe. Il doit partir pour un long voyage, puisque l’auto est chargée d’une malle.