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le château vert

— Pour ma pauvre femme !

— Allons, té ! Combien désirez-vous ?

D’un signe Mme Jalade intima un ordre à son mari, qui n’avait pas encore bougé. Docile toujours, celui-ci ouvrit un tiroir et prit un billet de cinquante francs. Micquemic fit une grimace, afin de réprimer un sourire.

— Tenez, voilà pour votre femme.

— Ah ! merci ! merci !… Elle sera bien contente de vous.

Quand il eut empoché le billet, Micquemic respira mieux à son aise. Et gentil, respectueux, il salua :

— Je ne vous dérange pas davantage. Et pardi ! vous pouvez compter sur moi.

On le laissa partir, sans lui rendre son salut.

— De nouveau cinquante francs de perdus ! maugréa Benoît.

— Que tu es pessimiste ! protesta Mme Jalade.

— S’il a menti, ce vieux, que nous importe ! dit Thérèse, qui dans sa méchante rancune avait le dédain des plus simples convenances. En tout cas, l’accusation est lancée : Rien ne l’arrêtera. Té ! Je m’en vais…

— Alors, tu verras les Ravin

— Je ferai de mon mieux, papa.

Elle courut au garage, où Jacques, le chauffeur, l’attendait à la portière de l’auto.

Un quart d’heure après, elle arrivait à Agde. Depuis deux ans, ses parents lui avaient confié, si jeune, le maniement des fonds de l’hôtel. Fière d’agir en petite maîtresse, elle passa d’abord chez le marchand de poissons, chez le boucher ; ensuite, elle acquitta de fortes notes chez sa couturière et chez sa modiste. Car il semblait aux Jalade que tout le monde, informé de la gène du Château Vert, les traitait de dissipés et d’incapables. Alors, ils tâchaient, devant les clabauderies qu’ils qualifiaient de perfides vilenies, de démontrer qu’au contraire les ressources, Dieu merci, ne leur manquaient pas.

Ses paiements effectués, Thérèse s’en fut au magasin nouvellement établi, à l’instar des grandes villes, Les Galeries Agathoises, où l’on trouvait toute espèce de marchandises, depuis des jouets jusqu’à du linge et des pipes.

Justement, au rayon de la lingerie, elle tomba sur une vendeuse, une camarade de pension qui, la dernière de