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le château vert

ses traits. Il prit délicatement les joues de Mariette, et, sans qu’elle eût bougé, il posa un baiser sur son front.

— Je ne vous accompagne pas aujourd’hui, dit-elle.

— Non. À bientôt ?

Il partit d’un pas précipité, sans percevoir dans la vaste maison le plus léger mouvement. Deux heures étaient sonnées. M. Ravin, aussi ponctuel qu’un fonctionnaire, avait déjà regagné son magasin, de l’autre côté de l’Hérault, Philippe ne retrouva donc chez lui que sa mère, qui lisait tranquillement un journal. Elle s’émut de le revoir tout frémissant de fièvre.

— Qu’as-tu, mon enfant ?

— Mariette ne veut plus se marier.

— Que dis-tu ?… C’est fou !…

— Oui, c’est fou. Elle prétend qu’elle a le scrupule de ne pas souiller notre nom de la légende odieuse qui accable son père !

— Qu’elle est jeune !

— Tu n’y crois pas, toi, à cette légende ? Barrière est-il un malhonnête homme ? Et ne soupçonnes-tu pas d’où part cette légende ?

— Si. J’en suis même sûre. Les Jalade ne donnent même plus de leurs nouvelles. Si je n’avais pas rencontré cette petite Thérèse aux Galeries Agathoises, je me demanderais s’ils sont encore vivants.

— Eh bien ! il faut les punir. Ce sera le premier coup de pioche pour retourner l’opinion publique.

— Ne va pas si vite. Au fond, ils sont malheureux.

— Je m’en moque. Ils ne sont même pas reconnaissants de tous nos bienfaits… Tiens, je vais au Grau.

— Philippe, un peu de sagesse !

— Tu sais que je n’en manque pas. Mais il faut que je sache toute la vérité… Après tout, ne pourrait-on pas les accuser à tort ?

— Hum !…

— Oui, tu as raison. Nous ne nous trompons pas, hélas ! À ce soir !

Une demi-heure après, Philippe descendait de son auto devant le garage du Château Vert. Les Jalade n’étaient pas chez eux, Mme Jalade ayant amené son mari sur la plage jusqu’au Bras-de-Richelieu, comme s’ils n’avaient rien de mieux à faire que de vivre en rentiers. Philippe