Page:Beaume - Le château vert, 1935.pdf/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
le château vert

dut s’adresser au chef de la cuisine. Celui-ci d’un ton bourru lui répondit :

— Mademoiselle rôde par là.

Personne sur la terrasse, qu’enguirlandait le pampre noir de la vigne, ni sur le quai où des pêcheurs recueillaient leurs filets. Enfin, Philippe découvrit Thérèse dans le parc, sous les pins bourdonnants et frileux. Elle errait au petit soleil de l’hiver, affectant une certaine importance de muse songeuse, les mains jointes sur son sein. À la vue de Philippe, elle eut un émoi d’orgueil : est-ce qu’il venait la reprendre, l’aimer ?… Non, hélas ! Il avait le sourcil froncé, et d’un pas brutal il s’avançait tout droit, en ennemi.

— Bonjour ! gronda-t-il, sans un geste de civilité. Vous allez bien ici ?

— Oui, Philippe. Et chez toi ?

— Très bien, où sont tes parents ?

— En promenade.

— Tant pis ! D’ailleurs, pour ce que j’ai à dire, je le dirai aussi bien à toi-même. Seulement nous devrions rentrer.

Sans échanger un mot, ils allèrent au petit bureau de l’hôtel. Thérèse ferma la porte à clef, et, tandis que Philippe s’asseyait dans le fauteuil du patron, elle resta debout, auprès de la table, le coude appuyé sur la planchette des tiroirs. Philippe aussitôt s’emporta :

— On ne vous voit plus. Avez-vous quelque chose à nous reprocher ?

— Pas à vous.

— Votre attitude est ridicule. Est-ce que j’ai signé un engagement de t’épouser ? Non !… Alors, de quoi vous plaignez-vous ?

— Nous avons de la peine.

— Je l’admets. Cette peine, avec un peu d’esprit, aurait dû se dissiper. Est-ce que nous n’avons pas été toujours de bons amis à votre égard ?

— Que m’importe à moi !

— C’est pourtant toi qui gouvernes dans cette maison où il y a autant de désordre que de prétention.

— Je ne comprends pas.

— Tu vas comprendre. D’où sortent ces vilains bruits sur le compte du père de Mariette ?

— Je ne suis pas chargée de le savoir. Je les connais comme tout le monde, et voilà.