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le château vert

— Je devine sans peine la bonne source. Pourtant réfléchissons bien : il n’est pas fatalement obligatoire que le promoteur de la calomnie soit l’un des quatre survivants de ce temps si lointain de la truelle et du mortier. Un scélérat de n’importe quel âge, et de n’importe quelle condition a très bien pu trouver dans le mensonge une sorte de jouissance. Il y a, en effet, une jouissance dans l’action du mal comme il y en a une dans l’action du bien.

— Je n’en disconviens pas. Mais à nous en tenir à ces quatre survivants, en voyez-vous un autre que ce Micquemic capable de l’abominable méfait ?

— À vrai dire, non.

— Eh bien ! ne doutez plus, allez. Je suis très exactement renseigné.

— Micquemic !… Un paria de misère, à peine digne du nom d’homme !… Tout de même, j’ai tellement peur de me tromper, d’accuser à tort un innocent ! Porter préjudice à un pauvre diable sans défense !…

— Il n’a pas eu peur, lui.

— C’est vrai. Mais la personne qui vous a renseigné, Philippe, n’a-t-elle pas pu, elle aussi, inventer un mensonge, afin de vous lancer sur une fausse piste ?

— Je ne le crois pas.

— Ah ! Micquemic ! soupira tristement Barrière, que le doute tourmentait encore. Té ! Admettons sans plus d’hésitation qu’il ait imaginé un tel roman, comment des gens raisonnables peuvent-ils tout de go, comme des enfants vicieux, croire à des racontars ?… Ah ! Micquemic, je l’ai assisté de mon mieux, à maintes reprises, et il est si déférent vis-à-vis de moi !… Vous l’avez vu, l’autre dimanche.

— Vous étonnez-vous qu’il y ait parmi les hommes des ingrats et des fous ?

— Non, Philippe. Il ne faut plus s’étonner de rien. En tout cas, je le pincerai facilement, ce fainéant, s’il est le coupable. Le difficile peut-être sera d’obtenir son aveu.

— Quel drame nous vivons, tout de même, et sans en avoir l’air ! Quel mal peut provoquer la parole du premier venu !

— Après tout, je suis tranquille. Et je vais vous faire, moi, un aveu : quand je le voudrai, et ça ne tardera pas, je balaierai cet odieux bruit de l’opinion publique, je mettrai tout le monde à la raison. J’ai mon idée.