Page:Beaumont - Contes moraux, tome 1, Barba, 1806.djvu/208

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rencontra un voyageur qui lui demanda s’il y avait bien loin jusqu’à un village, pour trouver une maison où il pût coucher. Il y a douze milles, répondit le pêcheur, et il est bien tard ; si vous voulez passer la nuit dans ma cabane, je vous l’offre de bon cœur. Le voyageur accepta sa proposition, et le pêcheur, qui voulait le régaler, alluma du feu, pour faire cuire quelques petits poissons. Pendant qu’il apprêtait le souper, il chantait, il riait et paraissait de fort bonne humeur. Que vous êtes heureux ! lui dit son hôte, de pouvoir vous divertir : je donnerais tout ce que je possède au monde, pour être aussi gai que vous. Et qui vous en empêche ? dit le pêcheur, ma joie ne me coûte rien, et je n’ai jamais eu sujet d’être triste. Est-ce que vous avez quelque grand chagrin, qui ne vous permet pas de vous réjouir ? Hélas, reprit le voyageur, tout le monde me croit le plus heureux des hommes. J’étais marchand, et je gagnais de grands biens ; mais je n’avais pas un