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CONTE ARABE

qu’ayant mené Alboufaki aux bords d’un petit lac pour y brouter une mousse grise passablement vénéneuse, elles avoient vu des poissons bleuâtres, comme ceux du réservoir au haut de la tour de Samarah. Ah ! ah ! dit-elle, je veux aller sur les lieux à l’instant même ; au moyen d’une petite opération, je pourrai rendre ces poissons oraculaires ; ils m’éclairciront beaucoup de choses, & m’apprendront où est ce Gulchenrouz que je veux absolument immoler. Aussi-tôt elle partit avec son noir cortège.

Comme on va vîte dans les mauvaises entreprises, Carathis & ses négresses ne tardèrent pas d’arriver au lac. Elles brûlèrent des drogues magiques dont elles étoient toujours munies, & s’étant déshabillées toutes nues, elles entrèrent dans l’eau jusqu’au col. Narkès & Cafour secouèrent des torches enflammées, tandis que Carathis prononçoit des mots barbares. Alors, tous les poissons mirent la tête hors de l’eau, qu’ils agitoient fortement avec leurs nageoires ; & contraints par la puissance du charme, ils ouvrirent des bouches pitoyables, & dirent tous à la fois ; nous vous sommes dévoués depuis la tête jusqu’à la queue : que voulez-vous de nous ? Poissons, dit Carathis, je vous conjure par vos