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VATHEK,

yeux s’accoutumant enfin à la grandeur des objets, ils découvrirent des rangs de colonnes & des arcades qui alloient en diminuant, & se terminoient en un point radieux comme le soleil, lorsqu’il darde sur la mer ses derniers rayons. Le pavé, semé de poudre d’or & de safran, exhaloit une odeur si subtile, qu’ils en furent comme étourdis. Ils avancèrent cependant, & remarquèrent une infinité de cassolettes où brûloient de l’ambre gris & du bois d’aloës. Entre les colonnes, étoient des tables couvertes d’une variété innombrable de mets & de toutes sortes de vins qui pétilloient dans des vases de crystal. Une foule de Ginns & autres Esprits follets des deux sexes, dansoient lascivement par bandes au son d’une musique, qui résonnoit sous leurs pas.

Au milieu de cette salle immense, se promenoit une multitude d’hommes & de femmes, qui tous tenant la main droite sur le cœur, ne faisoient attention à nul objet, & gardoient un profond silence. Ils étoient tous pâles comme des cadavres, & leurs yeux enfoncés dans leurs têtes, ressembloient à ces phosphores qu’on apperçoit la nuit dans les cimetières. Les uns étoient plongés dans une profonde rêverie ; les autres écumoient de rage, & couroient de tous côtés comme