Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/172

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ges. Elle marchoit ainsi en triomphe, à travers une vapeur de parfums, & aux acclamations de tous les Esprits malins dont la plupart étoient de sa connoissance. Elle alloit même détrôner un des Soliman pour prendre sa place, quand une voix sortant de l’abîme de la mort, cria : tout est accompli ! Aussi-tôt le front orgueilleux de l’intrépide Princesse se couvrit des rides de l’agonie ; elle jetta un cri douloureux, & son cœur devint un brasier ardent : elle y porta la main pour ne l’en retirer jamais.

Dans cet état de délire, oubliant ses vues ambitieuses & sa soif des sciences qui doivent être cachées aux mortels, elle renversa les offrandes que les Ginns avoient posées à ses pieds ; & maudissant l’heure de sa naissance, & le sein qui l’avoit portée, elle se mit à courir pour ne plus s’arrêter, ni goûter un moment de repos.

À peu près dans ce meme tems, la même voix avoit annoncé au Calife, à Nouronihar, aux quatre Princes & à la Princesse, le décret irrévocable. Leurs cœurs venoient de s’embraser ; & ce fut alors qu’ils perdirent le plus précieux des dons du ciel, l’espérance ! Ces malheureux s’étoient séparés en se jettant des regards furieux.