Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/24

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sement hasarder leur barbe, & tous la perdirent. Les eunuques ne faisoient autre chose que de brûler des barbes ; ce qui leur donnoit une odeur de roussi, dont les femmes du sérail se trouvèrent si incommodées, qu’il fallut donner cet emploi à d’autres.

Enfin, un jour il se présenta un vieillard dont la barbe surpassoit d’une coudée & demie toutes celles qu’on avoit vues. Les officiers du palais, en l’introduisant, se disoient l’un à l’autre ; quel dommage ! quel grand dommage de brûler une aussi belle barbe ! Le Calife pensoit de même ; mais il n’en eut pas le chagrin. Le vieillard lut sans peine les caractères, & les expliqua mot-à-mot de la manière suivante : « Nous avons été faits là où l’on fait tout bien ; nous sommes la moindre des merveilles d’une région où tout est merveilleux & digne du plus grand Prince de la terre ».

Oh ! tu as parfaitement bien traduit, s’écria Vathek ; je connois celui que ces caractères veulent désigner. Qu’on donne à ce vieillard autant de robes d’honneur & autant de mille sequins qu’il a prononcé de mots : il a nettoyé mon cœur d’une partie du surmé qui l’enveloppoit. Après