Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vathek ne tarda point à se repentir de son impétuosité. Comme il ne cessoit d’examiner ces caractères, il s’apperçut bien qu’ils changeoient tous les jours ; & personne ne se présentoit pour les expliquer. Cette inquiète occupation enflamma son sang, lui causa des vertiges, des éblouissemens, & une si grande foiblesse qu’à peine il pouvoit se soutenir : dans cet état, il ne laissoit pas que de se faire porter à la tour, espérant de lire quelque chose d’agréable dans les astres ; mais il se trompa dans cet espoir. Ses yeux offusqués par les vapeurs de sa tête le servoient mal : il ne voyoit plus qu’un nuage noir & épais ; augure qui lui sembloit des plus funestes.

Harassé de tant de soucis, le Calife perdit entierement courage ; il prit la fièvre, l’appetit lui manqua, & au lieu d’être toujours le plus grand mangeur de la terre, il en devint le plus déterminé buveur. Une soif surnaturelle le consuma ; & sa bouche, ouverte comme un entonnoir, recevoit jour & nuit des torrens de liquides. Alors ce malheureux prince ne pouvant goûter aucun plaisir, fit fermer les palais des cinq sens, cessa de paroître en public, d’y étaler sa magnificence, de rendre justice à ses peuples, & se