Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/33

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dressant à ce monstre : lève-toi, lui dit-il, & déclare en plein Divan de quelles drogues est composée la liqueur que tu m’as fait prendre ; débrouille sur-tout l’énigme des sabres que tu m’as vendus : & reconnois ainsi les bontés dont je t’ai comblé.

Le Calife se tut après ces paroles, qu’il prononça d’un ton aussi modéré qu’il lui fut possible. Mais l’Indien, sans répondre ni quitter sa place, renouvella ses éclats de rire & ses horribles grimaces. Alors Vathek ne put se contenir ; d’un coup de pied il le jette de l’estrade, le suit, & le frappe avec une rapidité qui excite tout le Divan à l’imiter. Tous les pieds sont en l’air ; on ne lui a pas donné un coup qu’on ne se sente forcé à redoubler.

L’Indien prêtoit beau jeu. Comme il étoit court & gros, il s’étoit ramassé en boule, & rouloit sous les coups de ses assaillans, qui le suivoient par-tout avec un acharnement inoui. Roulant ainsi d’appartement en appartement, de chambre en chambre, la boule attiroit après elle tous ceux qu’elle rencontroit. Le palais en confusion retentissoit du plus épouvantable bruit. Les sultanes effrayées regardèrent à travers leurs portières, & dès que la boule parut, elles ne