Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/39

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bène. L’Indien étendu devant, tenoit en sa main une clef d’or, & la faisoit résonner contre la serrure.

Ah ! s’écria Vathek, comment puis-je descendre jusqu’à toi sans me rompre le col ? Viens me prendre, & ouvre ta porte au plus vîte. Tout beau, répondit l’Indien : sache que j’ai grand’soif, & que je ne puis ouvrir qu’elle ne soit étanchée. Il me faut le sang de cinquante enfans11 : prends-les parmi ceux de tes visirs, & des grands de ta Cour..... Ni ma soif ni ta curiosité ne seront satisfaites. Retourne donc à Samarah ; apporte-moi ce que je desire ; jette-le toi-même dans ce gouffre ; alors tu verras.

Après ces paroles, l’Indien tourna le dos ; & le Calife, inspiré par les démons, se résolut au sacrifice affreux. Il fit donc semblant d’avoir repris sa tranquillité, & s’achemina vers Samarah aux acclamations d’un peuple qui l’aimoit encore. Il dissimula si bien le trouble involontaire de son ame, que Carathis & Morakanabad y furent trompés comme les autres. On ne parla plus que de fêtes & de réjouissances. On mit même sur le tapis l’histoire de la boule, dont personne n’avoit encore osé ouvrir la bouche : par-tout on en rioit ; cependant tout le monde n’avoit pas sujet