Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

petites pierres luisantes ; plusieurs s’éloignoient d’un pas léger pour avoir le plaisir de s’atteindre & de se donner mille baisers.

Déjà on découvroit de loin l’horrible gouffre au fond duquel étoit le portail d’ébène. Semblable à une raie noire, il coupoit la plaine par le milieu. Morakanabad & ses confrères le prirent pour un de ces bizarres ouvrages que le Calife se plaisoit à faire ; ces malheureux ! ils ne savoient pas à quoi il étoit destiné. Vathek, qui ne vouloit point qu’on examinât de trop près le lieu fatal, arrête la marche & fait tracer un grand cercle. La garde des eunuques se détache pour mesurer la lice destinée aux courses de pied, & pour préparer les anneaux que doivent enfiler les flèches. Les cinquante jeunes garçons se déshabillent à la hâte ; on admire la souplesse & les agréables contours de leurs membres délicats. Leurs yeux pétillent d’une joie qui se répète dans ceux de leurs parens. Chacun fait des vœux pour celui des petits combattans qui l’intéresse le plus : tout le monde est attentif aux jeux de ces êtres aimables & innocens.

Le Calife saisit ce moment pour s’éloigner de la foule. Il s’avance sur le bord du gouffre, & entend, non sans frémir, l’Indien qui disoit en