Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

butez vous rendront heureux. Préparons le bûcher pour le sacrifice de cette nuit, & ne songez point à manger qu’il ne soit dressé. Ne savez-vous pas que tous les rites solemnels doivent être précédés d’un jeûne rigoureux ?

Le Calife, n’osant rien repliquer, s’abandonna à la douleur & aux vents qui commençoient à désoler ses entrailles, tandis que sa mère alloit toujours son train. On eut bientot arrangé sur les balustrades de la tour les phioles d’huile de serpens, les momies & les ossemens. Le bûcher s’élevoit, & en trois heures il eut vingt coudées de haut. Enfin, les ténèbres arrivèrent, & Carathis toute joyeuse, se dépouilla de ses vêtemens : elle battoit des mains & brandissoit un flambeau de graisse humaine ; les muets l’imitoient ; mais Vathek exténué de faim, ne put y tenir plus long-tems, & tomba évanoui.

Déjà les gouttes brûlantes des flambeaux allumoient le bois magique, l’huile empoisonnée jetoit mille feux bleuâtres, les momies se consumoient & lançoient des tourbillons d’une fumée noire & opaque ; enfin les flammes gagnant les cornes de rhinocéros, il se répandit une odeur si infecte que le Calife revint à lui en sursaut, & parcourut d’un œil égaré la scène flamboyante.