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VATHEK,

L’huile enflammée découloit à grands flots, & les négresses, qui ne cessoient d’en apporter, joignoient leurs hurlemens aux cris de Carathis. Les flammes devinrent si violentes, & le poli de l’acier les réfléchissoit avec tant de vivacité, que le Calife ne pouvant plus en supporter l’ardeur ni l’éclat, se réfugia sous l’étendard impérial.

Frappés de la lumière qui éclairoit toute la ville, les habitans de Samarah se levèrent à la hâte, montèrent sur leurs toîts, virent la tour en feu, & descendirent à moitié nuds sur la place. Leur amour pour leur Souverain se réveilla encore dans ce moment, & croyant qu’il alloit être brûlé dans sa tour, ils ne songèrent plus qu’à le sauver. Morakanabad sortit de sa retraite en essuyant ses larmes ; il crioit au feu, comme les autres. Bababalouk, dont le nez étoit plus accoutumé aux odeurs magiques, se doutoit que Carathis travailloit à ses opérations, & conseilloit à tous de rester tranquilles. On le traita de vieux poltron & d’insigne traître, on fit avancer les chameaux & les dromadaires chargés d’eau ; mais comment entrer dans la tour ?

Pendant qu’on s’obstinoit à en forcer les portes, un vent furieux s’éleva du nord-est, & répandit au loin la flamme. D’abord, le peuple recula,