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CONTE ARABE.

leur jetta le balai au nez, & s’en alla rire avec Carathis. Bababalouk fit son possible pour consoler les vieillards, mais deux des plus foibles en moururent sur le champ ; les autres, ne voulant plus voir la lumière, se firent porter dans leurs lits, d’où ils ne sortirent jamais.

La nuit suivante, Vathek & sa mère montèrent au haut de la tour pour consulter les astres sur le voyage. Les constellations étant dans un aspect des plus favorables, le Calife voulut jouir d’un spectacle aussi flatteur. Il soupa gaîment sur la plate-forme, encore noircie de l’affreux sacrifice. Pendant le repas on entendit de grands éclats de rire qui retentissoient dans l’atmosphère, & il en tira le plus favorable augure.

Tout étoit en mouvement dans le palais. Les lumières ne s’éteignoient pas de toute la nuit ; le bruit des enclumes & des marteaux, la voix des femmes & de leurs gardiens qui chantoient en brodant ; tout cela interrompoit le silence de la nature & plaisoit infiniment à Vathek, qui croyoit déjà monter en triomphe sur le trône de Suleïman.

Le peuple n’étoit pas moins content que lui. Chacun mettoit la main à l’œuvre, pour hâter le moment qui devoit le délivrer de la tyrannie d’un maître si bizarre.