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CONTE ARABE.

tigres. Les pionniers qui préparoient le chemin du mieux qu’ils pouvoient, & une partie de l’avant-garde, furent dévorés avant que de pouvoir se reconnoître. La confusion étoit extrême ; les loups, les tigres & les autres animaux carnassiers, invités par leurs compagnons, accouroient de toutes parts. On entendoit par-tout croquer des os, & dans l’air, un épouvantable battement d’aîles ; car les vautours commençoient à se mettre de la partie.

L’effroi parvint enfin au grand corps de troupes qui entouroit le Monarque & son sérail, & qui étoit à deux lieues de distance. Vathek, choyé par ses eunuques, ne s’étoit encore apperçu de rien ; il étoit mollement couché sur des coussins de soie dans son ample litière ; & pendant que deux petits pages, plus blancs que l’émail de Franguistan, lui chassoient les mouches, il dormoit d’un profond sommeil, & voyoit briller les trésors de Suleïman dans ses rêves. Les clameurs de ses femmes le réveillèrent en sursaut, & au lieu du Giaour avec sa clef d’or, il vit Bababalouk tout transi & consterné : Sire, s’écria ce fidèle serviteur du plus puissant des Monarques, le malheur est à son comble ; les bêtes féroces, qui ne vous respecteroient pas plus qu’un âne