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DE L’AUTEUR.

cerner sans crainte de quel côté fut la tyrannie dans cette mémorable révolution.

Tous mes ouvrages, mes principes connus et ma conduite, que je défie de taxer d’incivisme en aucun tems, attestent suffisamment qu’il est peu d’hommes de lettres qui aient combattu, sous l’ancien régime, les abus du despotisme aussi courageusement que moi, qui aient marqué plus énergiquement un tendre et sincère amour pour le peuple, qui aient été plus épris des charmes de la vraie liberté. Mais où commence l’injustice, là finit la liberté ; et, quand la loi, la paix, l’humanité, Dieu même sont devenus des titres de condamnation, je ne crois pas qu’à moins d’avoir l’esprit aliéné, on puisse bien augurer un seul instant du salut public.

J’oserai dire encore que j’ai sur beaucoup de mes confrères un avantage, dont je ne prétends pas me glorifier, mais que les lecteurs impartiaux sauront apprécier ; c’est celui d’avoir toujours écrit sans autre intérêt que celui d’être utile au peuple et à mes enfans. Jamais je n’ai occupé, jamais on ne m’a proposé aucune place, aucun emploi, aucun émolument ; et, sans posséder sous le ciel un seul pouce de patrimoine, j’ai toujours subsisté avec ma petite famille, du seul produit de mes ouvrages, quelque modique qu’il fût ; car on sait que les auteurs retirent toujours la moindre portion du fruit de leurs travaux. Cette seule pensée, de n’avoir jamais varié dans mes principes et de n’avoir jamais ambitionné ni place ni argent, m’enrichit plus que tous les trésors de la terre ; car, quand on a l’es-