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OBSERVATION

appellait des traités d’alliance. Ils se faisaient réciproquement cadeau d’une ville, d’un canton, etc. agiotaient et brocantaient une province, et trafiquaient d’une nation comme on trafique en Espagne des billets de confession dans le tems paschal.

Ce petit jeu-là n’amusait pas beaucoup plusieurs milliers d’êtres à deux pieds, portant figure humaine, qui n’étaient pas très-flattés de se voir vendre et revendre comme des chevaux et des vaches qu’on mène à la foire.

Ils eurent l’audace de s’en plaindre ; leurs marchands eurent la bonté de n’y pas faire attention. On patienta encore ; tant qu’à la fin, au moment où une demi-douzaine de nations allaient encore être exposées en vente ; elles jugèrent à propos de se mettre sous la protection immédiate de l’empereur, qui voulut bien les prendre pour rien. Cet exemple fut suivi par tout ce qui restait de peuples à vendre. Les petits princes jettèrent feu et flamme ; mais il fallut en passer par là ; et ils furent très-aises de venir passer le reste de leurs jours au sein des plaisirs, à la cour de Lunol. On les traite partout avec beaucoup d’égards, pour deux raisons ; 1o parce qu’il faut savoir se mettre à la place de son semblable, ne lui pas faire ce qu’on ne voudrait pas qu’il nous fît, et songer qu’un homme quelconque, accoutumé toute sa vie au rang suprême, est cruellement puni par la perte de tout ce qui flattait son ambition et sa sensualité. 2o Parce qu’aucune raison sous le ciel ne peut dispenser une nation du respect qu’elle