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GRANDGOUJON

caserne immense, qu’il trouvait presque belle. Il ruminait :

— Je vais lui parler carrément au toubib. Je ne suis pas une nouille, moi ; je peux faire quelque chose. Il suffit que Colomb me réclame pour son œuvre…

Il ne pensa même pas à aller déjeuner chez lui. Il mangea à la cantine du cervelas et du boudin dans de la moutarde. Et il répétait :

— À la guerre comme à la guerre ! J’en ai vu d’autres !… Et les rapatriés n’en ont jamais vu tant !

Puis il invita des soldats qu’il ne connaissait pas à vider avec lui une bouteille d’un vieux pinard de choix.

Enfin, l’oreille fleurie, bouche vermeille, l’œil farceur, il aborda le major, qui tout de suite fronça les sourcils :

— De quoi vous plaignez-vous ?

— Monsieur le major, voilà…

— Oh ! Pas de phrases !

Grandgoujon s’étrangla :

— Je demande à être disponible…

— Pourquoi ?… Vous êtes bien agité. Tendez la main… Encore … Vieille tremblote ! Vous m’avez l’air imbibé, hein ?

— Pardon ?

— Il y a longtemps que vous buvez ?

— Plaît-il ?

— Je vais vous évacuer au Val-de-Grâce, où vous vous débrouillerez… Mais pas de scène ici ! Caporal, la voiture du Val pour cet homme-là.