Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/140

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Car Flaubert était aimé plus encore qu’admiré de tout le monde. Alphonse Daudet et Edmond de Goncourt s’efforçaient de l’illusionner sur le plateau par des pronostics favorables dont ils étaient les tables tournantes. Zola battait les couloirs comme pour lui-même. Maupassant avait amené des ateliers une légion aux rudes battoirs. Je me rappelle que la consigne était de tuer Sarcey à la sortie, « s’il le fallait », pour apaiser les dieux et plaire aux Muses. Le rideau se leva.

Le Candidat était précédé d’un petit acte joué par Saint-Germain qui justifiait de ma présence aux répétitions d’abord et, ce soir-là, derrière la toile. C’était ce « Séparés de Corps » que Dumas n’avait pu imposer à Montigny et qui avait trouvé asile au Vaudeville. Flaubert en écouta un instant les dernières répliques, et comme le succès se déterminait assez nettement : — De qui est-ce, cette petite machine, me demanda-t-il, — Ma foi, mon cher maître, Saint-Germain va vous l’apprendre, — et, selon l’usage, le comédien me nomma au peuple.

— Comment ?… tu ne m’avais rien dit ?

— Mon bon maître, comme tous ceux qui vous aiment, je ne pensais qu’au Candidat et je cours à mon poste dans la salle.

Et c’est de ce jour-là qu’il me tutoya.

Bien avant qu’Edmond de Goncourt ouvrît, à Auteuil, ce « grenier » où se mijotait une académie, Gustave Flaubert eut le sien au parc Monceau, à ce cinquième étage de la rue Murillo qui fut d’abord