Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/141

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son pied-à-terre parisien. Ce « grenier » s’était formé de lui-même, autour de lui, par cette nécessité, pour ainsi dire professionnelle, qu’éprouvent les artistes d’un même art à se grouper autour d’un maître. Plus que tous les autres, les gens de lettres, je crois, ont cette humeur hiérarchique. Ils font volontiers salon à leur chef de file et puis, du salon naît l’École, qui souvent n’a pas d’autre origine.

Les dimanches de Flaubert semblent prouver la remarque ou plutôt la ratifier. Nul ne fut moins naturaliste, dans le sens dont Émile Zola affubla le mot, que le styliste de Salammbô, hugolâtre intransigeant et exécrateur de l’écriture bourgeoise. C’est de lui cependant que se réclama longtemps la poignée de réalistes turbulents qui avait à Médan-sur-Oise son Vieux de la Montagne. Ils avaient besoin d’un prince, comme les poètes et les grenouilles. Madame Bovary était le chef-d’œuvre où ils pouvaient planter leur hampe ; il était trois fois consacré par le public, la critique et la justice. Ce fut la « Préface de Cromwell » de la manifestation documentaire. — S’ils ne veulent pas de moi, disait Victor Hugo, pourquoi n’arborent-ils pas franchement Henri Monnier ? Le père de Joseph Prudhomme est leur Shakespeare naturel.

Cette consécration à Flaubert offrait ceci de paradoxal qu’elle l’étonnait d’abord plus que personne, pour n’en pas dire davantage, et, ensuite, que, sauf Edmond de Goncourt, tous les « dimanchiens » du grenier étaient, de bon gré ou non, des idéalistes, sans en excepter Zola, ne vous déplaise, poète mort jeune et romantique défroqué, à qui le lyrisme repoussait sous le rasoir même. Tourgueneff, le bon