Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/149

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l’emplacement d’une source. Un autre distique encore le jetait en pure pâmoison, et il en déclarait l’ellipse « l’une des merveilles de la langue française » :

Je hais les tours de Saint-Sulpice :
Aussi, quand j’y passe, j’y pisse.

— Oh ! ces deux « j’y » !… C’est du génie. Coppée, je vous en prie, amenez-moi cet homme-là. Il est des nôtres.

Il va sans dire que Raoul Ponchon a fait d’autres poèmes et que sa Muse abondante et charmante ne s’en est pas tenue à ces exercices facétieux. Mais le bon chantre des vins de France apprendra peut-être ici de quelle admiration il était l’objet pour l’auteur du Pas du créancier, au grand scandale d’ailleurs d’Ivan Tourgueneff, long Tartare mélancolique, à la voix de gosse, qu’effarouchait la gauloiserie. Je vous ai dit la raison que Flaubert donnait de sa terreur du mariage.

— « Elle » rangerait mes papiers ! vociférait-il.

Mais il masquait de ce prétexte la vraie cause de son célibat volontaire. Ce bûcheron fantastique de la forêt du verbe qui restait des mois entiers à Croisset, sans sortir de son antre, à abattre du bois, était un aimant et un tendre. Il avait beau professer sur les choses de l’amour la philosophie décevante et déçue qu’il prête à son héros de L’Éducation sentimentale, l’amertume n’en trompait ni ses amis ni les siens.

— Vous feriez un excellent mari, lui lançait Daudet, et un père meilleur encore.

Et il ne disait pas toujours non. Voici comment