Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/150

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me fut révélé le secret, scrupuleusement gardé par tous d’ailleurs jusqu’à sa mort, de son abstention matrimoniale.

Je tenais du vieux Robelin, l’ami de Victor Hugo et l’habitué fidèle de la maison de Théophile Gautier, à Neuilly, le récit d’une « chose vue » fort singulière. En traversant le pont des Arts, il avait été arrêté, un soir, par un groupe de passants entourant un convulsionnaire. Il s’était approché du malheureux, qui, l’écume aux lèvres et renversé, se roulait dans le cercle des badauds, et il avait reconnu le malade.

— Je hélai un fiacre, contait le père Robelin, et je transportai Alfred là où il demeurait, rue du Mont-Thabor. Puis, je courus prévenir son frère.

— Qui, son frère ?

— Mais Paul de Musset.

— Que me dites-vous là ? Le poète des Nuits tombait du haut-mal ?

— Oui, et c’est pour cela qu’il se grisait, non pour autre chose. Mais, cette fois, il n’avait pu dissimuler, et la crise l’avait terrassé dans la rue. Heureusement que j’étais seul, sur ce pont, à le connaître. Il n’a jamais su qui l’avait ramené chez lui, cette nuit-là. Il ne me l’aurait pas pardonné.

Le récit du vieil architecte romantique m’était toujours resté dans la mémoire. Il me révélait un Rolla insoupçonné, plus digne que l’autre assurément, puisqu’il expliquait par la honte d’un mal organique terrible l’avilissement de la fin de sa vie. Il voulait que l’on mît sur le compte de l’ivresse les accès inopinés où l’on pouvait le surprendre.

Or, un dimanche que l’Enfant du Siècle était, avec son œuvre, sur le tapis, chez Flaubert, et que l’un