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III

SOUVENIRS SUR « L’ARLÉSIENNE »


On pourrait poser en axiome — presque en loi — que l’œuvre d’art, « reconduite » à son origine, a quatre-vingt-dix-neuf chances sur cent pour une de survivre à toutes celles qui, rivales et contemporaines, lui ont été préférées. La méprise est constante dans tous les arts, en tous les temps, sinon chez les Grecs peut-être dont les arrêts d’esthétique restent encore imprescriptibles, mais, nulle part ailleurs que dans cette prodigieuse Athènes, l’accord ne s’est établi sur les choses du Beau entre le goût militant et le goût au repos, si l’on me permet de les définir ainsi. J’incline à penser que cette anomalie, humiliante et douloureuse, est la condition vitale de l’Art même et que la société la plus bénévole, par cela même qu’elle est une société, et sans plus, ne rejoindra jamais la nature qui pousse le génie où elle veut, quand elle veut, et n’en allume qu’à son caprice la flamme individualiste.