Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/232

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de Falguière. — Là est leur force, jeta-t-il d’un geste exalté. Ah ! quel pays que notre France ! — De qui sont-elles alors ? risquai-je. — Comment, de qui elles sont ? De deux génies, comme tu le vois, universels. À gauche, c’est Gustave Doré, qui n’est pas statuaire, à droite, Sarah Bernhardt, qui est tout ce qu’elle veut être. Je t’ordonne de les louer dans l’Officiel, sous peine de te faire du tort. — Et j’y allai du dithyrambe, avec cette légère méprise que j’intervertis les responsabilités des groupes et que la comédienne eut tous les éloges dus au lithographe. Réciproquement d’ailleurs.

Après ses explorations dans le monde des surhommes, des surfemmes et des surenfants, car le piano en donne, c’était toujours au père Hugo qu’il revenait, je me hâte de le reconnaître. Là on reprenait pied dans l’immortel avéré et sérieux. Gouzien avait son couvert mis à demeure à la table du poète qui l’aimait beaucoup, c’était visible. Il se plaisait à cet extatisme dont il était l’objet et que son cher convive corroborait d’un exercice magnifique de la fourchette. Victor Hugo voulait qu’on mangeât bien chez lui et nul ne faisait plus d’honneur que l’optimiste éperdu à la cuisinière du poète.

Mais ce qui le lui rendait indispensable c’était la hardiesse des à-peu-près qu’il osait risquer entre un verre et l’autre. Victor Hugo établissait une grande différence entre le calembour, bête ou hébété comme dit André Chénier, et l’à-peu-près, où il retrouvait à son gré un peu des assonances de la rime. L’à-peu-près le déridait, car il était très gai, en dépit de la légende et il ne prisait rien tant que la joie. Or, dans ce genre de facéties, Gouzien était formidable. Je