Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/24

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au Larousse pour la date de la mort du compositeur, que je ne savais pas exactement, cette joie m’a été donnée de constater que sa biographie et l’étude de son œuvre s’y développent sur dix lignes, pas davantage (premier supplément, page 378) et qu’il n’a rien été ajouté, dans le supplément deuxième, à ce document dérisoire. Messieurs, les Euménides continuent, et il le faut, vous dis-je.

Alphonse Daudet a écrit lui-même qu’il avait fourni à Georges Bizet les motifs musicaux de leur drame lyrique. Ce sont, pour la plupart, des noëls de ce Nicolas Saboly, patriarche des félibres, et qui, dès le dix-septième siècle, soit trois cents ans avant Roumanille, Aubanel et Frédéric Mistral, avait entrepris de revivifier le provençal des troubadours. Il y a en Venaissin deux monuments d’art régionaux dans le culte desquels tous ceux du Midi s’unissent et communient, « la Vénus d’Arles » et « la Marche des Rois » de Saboly. Que de fois, avant même que Georges Bizet l’harmonisât pour le théâtre, n’ai-je pas entendu ce noël populaire chanté en duo par Daudet et Arène, et à tue-tête, non seulement dans les réunions de poètes et après les dîners de rédaction, mais encore la nuit, dans la sonorité des rues désertes, autour des Halles endormies ! C’était comme La Marseillaise du pays, elle les montait à un degré d’exaltation inaccessible aux Parisiens et autres gens du Nord, dont j’avais la honte d’être, sans toutefois en rougir.

Quand on en avait égrené les couplets au clair de lune, on s’attaquait à la ronde des Filles d’Avignon, sur l’air de laquelle Paul Arène adapta plus tard sa chanson de route : « Une, deux, le Midi bouge, tout est rouge », où s’électrisaient les recrues de Gambetta