Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/23

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l’eut, saignante au cœur jusqu’à sa mort. C’était cependant un homme d’infiniment d’esprit que Paul Arène, mais il était de Sisteron.

Ils me font rire ceux qui disent que la France est unifiée depuis Louis XI et que le provincialisme s’est effacé de nos mœurs avec les délimitations féodales des duchés, des comtats et des royaumes. Écoutez et regardez ; sous le réseau politique et administratif des départements les vieilles enclaves de races transparaissent comme à l’encre sympathique, et, cent ans après la Révolution, l’usage prévaut toujours entre ces « unifiés » de se distinguer les uns des autres par les noms d’origine, Bretons, Normands, Bourguignons, Basques, Provençaux, hier, hélas, Alsaciens, aujourd’hui Champenois et de s’en envoyer, même les jours de vote, l’injure à la tête. La décentralisation ? Mais elle est faite.

De Georges Bizet, rien à vous conter, je ne l’ai jamais vu, même à cette première de L’Arlésienne. Peut-être s’était-il enfui devant les Euménides de la déveine qui l’ont poursuivi jusqu’à la fin, stupides et sans pitié. Il avait alors trente-trois ans. Il était tenu et reconnu par tous les musiciens pour le plus doué d’entre eux, celui qui devait reprendre à Charles Gounod le sceptre de l’École française. Trois ans après il s’en allait, terrassé par l’insuccès de Carmen, oui de Carmen, la même Carmen qui, aujourd’hui, dispute à Faust la préséance lyrique sur toutes les scènes des cinq parties du monde ! Et il en sera toujours ainsi jusqu’au jour du jugement, sans appel, celui-là, qui sera le dernier, et le bon.

Eh bien ! pour Georges Bizet, ce n’est pas fini. La gloire posthume le boude encore. Ayant à recourir