Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/291

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l’ai jamais vu rire, quoiqu’il ait de l’esprit à revendre et qu’il aime les bons mots. Il se contente de souligner le trait, la saillie ou la bonne histoire par cet effilement de moustache qui lui est habituel.

Faut-il ajouter qu’il a les mains fines et robustes, le pied petit et l’oreille bien faite ? Ce sont là les signes de race auxquels lord Byron et, après lui, les romantiques attachaient une importance capitale et reconnaissaient les prédestinés de l’art et les aristocrates de l’intelligence. Au résumé, Baudry m’a toujours rappelé ces jeunes Florentins hardis, fiers et songeurs qu’aimait à peindre le Bronzino.

J’ai déjà dit qu’en peinture, ses maîtres préférés sont le Corrège et Michel-Ange. Mais, dans les autres arts, son esthétique ne se tient pas à la hauteur de ce noble éclectisme. C’est ainsi que j’ai pu lui reprocher d’avoir omis, dans son Parnasse de l’Opéra, des compositeurs tels que Bellini, Spontini, Weber, Mendelssohn, Berlioz et Verdi ! Je ne parle même pas de Robert Schumann et de l’auteur du Lohengrin ! L’artiste, et c’est grand dommage, n’a pas encore rendu les armes, et le violon, à ces deux beaux génies.

En littérature, je constate les mêmes écarts de son critérium, et surtout en littérature contemporaine. Il n’a pas, pour Victor Hugo, le plus grand poète de l’univers, l’admiration prosternée que tout artiste doit professer. Il partage, Dieu sait pourquoi, les vieilles animosités des normaliens contre ce maître des maîtres, auquel Michel-Ange, cependant, eût donné la main avec respect. Il se ferme volontairement à la splendide lumière de cette révélation lyrique. Est-ce bien sa faute ? Je ne le crois pas, car nul