Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/292

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esprit plus que celui de Paul Baudry n’est ouvert à toutes les éclosions du Beau ; mais il subit sur ce point des influences passionnées ; il s’aveugle lui-même au hantement familier de ce voltairisme universitaire pour lequel Shakespeare n’est encore qu’un barbare, et qui veut borner le lexique de notre langue aux cent mois du dix-huitième siècle. Baudry reviendra de cette erreur artistique ; je n’en veux d’autre garant que son enthousiasme pour Théophile Gautier, qu’il tient pour un prototype de perfection dans l’art d’écrire, ce qui n’est pas si mal juger. Les deux noms qu’il ajoute à celui-là sont ceux de Prosper Mérimée et de Edmond About.

Dernier trait de caractère : Baudry est célibataire enragé et farouche.

Paul-Jacques-Aimé Baudry est Vendéen, étant né à La Roche-sur-Yon, le 7 novembre 1828. Ses parents, humbles artisans de la ville, mais laborieux et économes, ne durent qu’à leur courage de pouvoir élever les treize enfants fruit de leurs honnêtes et robustes amours. Six de ces enfants ont survécu, et parmi ceux-là Ambroise, l’ingénieur de l’isthme de Suez, celui que Baudry appelle « mon frère l’Égyptien », et Paul, l’illustrateur de la famille. Le chef de cette famille a été dépeint par M. Edmond About : « Patriote acharné, lecteur insatiable, nourri de l’histoire nationale, ivre de Béranger, qu’il appelait le poète de la France ; chasseur, pêcheur, marcheur, amoureux du grand air, paysagiste inconscient, musicien modeste et studieux. » Mais, de tous les arts cultivés par M. Baudry le père, la musique lui était chère par-dessus les autres, et son rêve était de voir un de ses enfants s’y consacrer. Celui dont les dis-