Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/322

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rée, s’ouvre un paravent treillagé où s’entrelacent des fleurs artificielles, et là, sur un chevalet, il y a une petite toile. On y voit une jeune mère jouant avec son enfant, dans la manière hollandaise. — Chut, fait Chaplin, l’index sur les lèvres, c’est d’elle. — Une mère et son enfant ? Ah ! mon Dieu, est-ce que ?…

— Oui.

Et je m’émeus. C’est de la douleur, ça, de la vraie, de l’inconsolable. — Bourgeois, me jette l’artiste en me serrant la main.


XII

Eh bien ! l’habitacle est morose. Ces salons somptueux sentent l’inhabité. Ils n’ont pas la vie des choses. On y marche sur l’orteil comme dans une crypte. Hôtel du spleen, orné de glaces.

Que n’a-t-elle pas fait pourtant pour l’animer, elle aussi, comme l’autre, la grande parvenue des Champs-Élysées, y attirer des amis, des obligés, des parasites même. Pas chat ni chatte ! C’est le chiendent de la gloire dans la partie. Deux salons, dix salons, pas de salon. Elle exhiba une « générale Chapelier » dont l’illustre mari « n’avait pu venir ce soir ». Vaine amorce. Le cohabitateur lui-même ne lui ramenait que sa boule de gomme, et les bougies brûlaient à cire perdue dans les candélabres endormis. À trois heures du matin elle les éteignait avec rage, flanquait la générale à la porte, étendait l’avant-bras sur l’occiput ou le sinciput du mari le plus inutile qui fût jamais et courait demander aux anges gardiens à quoi sert d’être riche et dévote. Ils le lui dirent sans doute, car