Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du Bien… et vous savez qu’Alfred de Musset conduit George Sand à l’autel…

Je n’allai pas plus loin, on m’étranglait, et le terrier menait un hourvari de meute. C’était bien Glatigny et sa Cosette.

Il me conta qu’il arrivait de Corse, où il avait été, lui, fils de gendarme, la proie innocente d’une gendarmerie déchaînée. Engagé comme comédien dans une troupe en tournée qui « faisait » l’île, il marchait de ville en ville, selon son habitude, devant ou derrière la patache, en jetant des odes aux maquis, des sonnets aux bartavelles et des triolets aux filles d’auberge, enivré du parfum gingembré qu’exhale la terre napoléonienne. Or, on était au temps où la police usait ses meilleurs limiers à la recherche de l’introuvable Jud, l’assassin mystérieux d’un président de justice, et qui d’ailleurs se promène encore, s’il a jamais existé, la canne à la main, dans les bosquets terrestres. Sous le Monte Rotondo, en un bourg nommé Bocognano, que les Bellacocia ont rendu célèbre, les gendarmes corses, surexcités par l’appât de la prime, avaient cru reconnaître dans le pauvre acteur-poète le meurtrier légendaire et problématique « tel qu’on se le représente », du magistrat considérable. Par sa dégaine autant que par sa garde-robe composite — et le gilet jadis brodé sans doute — il correspondait au signalement. Les pandores l’arrêtèrent au milieu d’une ballade et le coffrèrent brutalement, pour ses étrennes de 1867.

Glatigny a narré lui-même sa bouffonne mésaventure dans une plaquette qui est le Mie Prigioni de ce Silvio Pellico du Parnasse. Je l’ai toujours soupçonné de l’avoir sinon inventée, du moins brodée,