Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/61

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et pendant que Godefroy de Bouillon leur courait sus encore, il en restait dans les petits coins pour perpétuer le sang arabe. On les appelait morels pendant le moyen âge, et, après saint Louis, ils pullulèrent, faisant la nique à sa catholique mémoire. Ouvrez aujourd’hui le Bottin et dites si la puissance des croisements ne prévaut pas dans les espèces ? La patronymie des Morels ou Maurels et leurs dérivés en laisse à celle des Dupont, des Durand, des Bernard, que dis-je, à celle même des Meyer ou Mayer, et composés, d’une autre ethnologie victorieuse.

Comment l’un de ces Sarrasins mâtinés de roumis se transplanta-t-il en Savoie, et à quelle époque ? Allah seul le sait et son prophète. Toujours est-il que le cens relevait des Morels à Annecy, déjà sous Henri IV et que, sous Louis XIII, l’évêché en avait à revendre sous sa bannière. Ma grand’mère ne m’a jamais dit comment cette branche savoyarde fut mise en relations avec la noble famille de Sales et je ne l’ai jamais pressée à ce sujet, d’abord parce que sa piété l’empêchait de s’en enquérir et ensuite parce qu’elle lisait trop Paul de Kock. Mais mes recherches personnelles m’ont amené à découvrir que saint François avait un frère, le comte Louis de Sales, et que ce frère était militaire. Peut-être est-ce là que gît le lièvre. Le saint ne serait que notre grand-oncle.

Saint-Simon ne dit rien des Morels ; sous Louis XIV, on n’en voyait pas encore à Versailles. Ils se terrent ainsi et fourmillent, sans gloire connue, jusqu’à la Révolution où aucun d’entre eux n’a l’honneur d’être guillotiné. Ma branche faisait alors des