Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/93

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de travail d’un genre inconnu à Vitruve et même à Mansart, père des mansardes, soit un bureau-volière à usage de poète. Mettant en œuvre le vers de Jean Racine, aux petits des oiseaux je donnai la pâture confraternelle, aux bords de l’eau courante de la gouttière et tous les voyous ailés du quartier firent queue à ma boulangerie aérienne. Dès l’aube ils s’abattaient par centaines sur la lucarne, en picoraient impérativement la vitre, et m’éveillaient de leur brouhaha d’engueulades. Puis, le châssis levé ils entraient en dansant, sautaient sur ma table, y ponctuaient ma copie à leur manière, et perchés aux quatre coins, se communiquaient les observations les plus sévères sur la valeur de mon style et la stupidité de ma profession. Ils n’en comprenaient ni l’encre ni les plumes. Ils allaient chercher sur les toits des témoins de leur stupeur compatissante et je comprenais à miracle, à leurs bec à bec, qu’ils parlaient de faire leurs nids chez moi pour me distraire et me ramener à la nature. Il y en avait un qui ne me laissait pas travailler. Aussitôt que je m’attablais pour écrire, il se précipitait dans ma chevelure, comme un chasseur corse dans un maquis, et il y menait de telles battues que je dus me munir d’une calotte de cuir à oreillettes pour pouvoir gagner ma vie.

Hélas, que l’œuvre des sept jours est mauvaise si la loi de faim en est la clef ! Un matin j’entendis un grand tumulte dans la forêt des cheminées, et, la lucarne ouverte, je vis des tigres. Ils étaient tapis et pelotonnés, prêts à bondir sur la volaille d’azur, et, horreur, parmi ces fauves, mon propre chat, le sieur Circonflexe, le félin de poche le plus gâté, le