Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/135

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malie, ait la même structure interne que celui qui se dessine sous une forme vague, à l’état de simple tendance ou de virtualité, dans des esprits qui réunissent tout un ensemble de symptômes psychasthéniques. Supposons en effet que la fausse reconnaissance proprement dite — trouble toujours passager et sans gravité — soit un moyen imaginé par la nature pour localiser en un certain point, limiter à quelques instants et réduire ainsi à sa forme la plus bénigne une certaine insuffisance qui, étendue et comme délayée sur l’ensemble de la vie psychologique, eût été de la psychasthénie : il faudra s’attendre à ce que cette concentration sur un point unique donne à l’état d’âme résultant une précision, une complexité et surtout une individualité qu’il n’a pas chez les psychasthéniques en général, capables de convertir en fausse reconnaissance vague, comme en beaucoup d’autres phénomènes anormaux, l’insuffisance radicale dont ils souffrent. L’illusion constituerait donc ici une entité psychologique distincte, alors qu’il n’en est pas de même chez les psychasthéniques. Rien de ce qu’on nous dit de cette illusion chez les psychasthéniques ne serait d’ailleurs à rejeter. Mais il n’en resterait pas moins à se demander pourquoi et comment se crée plus spécialement le sentiment du « déjà vu » dans les cas — fort nombreux, croyons-nous — où il y a affirmation très nette d’une perception présente et d’une perception passée qui aurait été identique. N’oublions pas que beaucoup de ceux qui ont étudié la fausse reconnaissance, Jensen, Kraepelin, Bonatelli, Sander, Anjel, etc., y étaient eux-mêmes sujets. Ils ne se sont pas bornés à recueillir des observations ; ils ont, en psychologues de profession, noté ce qu’ils éprou-