Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/140

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reconnaissance. Myers propose une explication non moins ingénieuse, fondée sur la distinction du moi conscient et du moi « subliminal » : le premier ne reçoit d’une scène à laquelle il assiste qu’une impression globale, dont les détails retardent toujours un peu sur ceux de l’excitant extérieur ; le second photographie ces détails au fur et à mesure, instantanément. Ce dernier est donc en avance sur la conscience, et s’il se manifeste à elle brusquement, il lui apporte un souvenir de ce qu’elle est occupée à percevoir[1]. M. Lemaître a adopté une position intermédiaire entre celles de Lalande et de Myers[2]. Avant Myers, M. Dugas avait émis l’hypothèse d’un dédoublement de la personne[3]. Enfin il y a longtemps que Ribot avait donné à la thèse des deux images une très grande force en supposant une espèce d’hallucination consécutive à la perception et plus intense qu’elle : l’hallucination rejetterait la perception au second plan avec le caractère effacé des souvenirs[4].

Nous ne pouvons entreprendre ici l’examen approfondi que chacune de ces théories réclamerait. Bornons-nous à dire que nous en acceptons le principe : nous croyons que la fausse reconnaissance implique l’existence réelle, dans la conscience, de deux images, dont l’une est la reproduction de l’autre. La grosse difficulté, à notre sens, est d’expliquer tout à la fois pourquoi l’une des deux images

  1. Myers, The subliminal self, Proc. of the Society for psychical research., vol. XI, 1895, p. 343.
  2. Lemaître, Des phénomènes de paramnésie, Archives de psychologie, vol. III, 1903, p. 101-110.
  3. Dugas, Sur la fausse mémoire, Rev. philos., vol. XXXVII, 1894, pp. 34-35.
  4. Ribot, Les maladies de la mémoire, p. 152.