Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/175

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une insuffisance de l’attention risquerait de se traduire par un passage définitif de l’état de veille à l’état de rêve, la conscience localise le mal sur quelques points où elle ménage à l’attention autant de courts arrêts : l’attention pourra ainsi se maintenir, tout le reste du temps, en contact avec la réalité. Certains cas très nets de fausse reconnaissance confirmeraient cette hypothèse. Le sujet se sent d’abord détaché de tout, comme dans un rêve : il arrive à la fausse reconnaissance aussitôt après, quand il commence à se ressaisir lui-même[1].

Tel serait donc le trouble de la volonté qui occasionnerait la fausse reconnaissance. Il en serait même la cause initiale. Quant à la cause prochaine, elle doit être cherchée ailleurs, dans le jeu combiné de la perception et de la mémoire. La fausse reconnaissance résulte du fonctionnement naturel de ces deux facultés livrées à leurs propres forces. Elle aurait lieu à tout instant si la volonté, sans cesse tendue vers l’action, n’empêchait le présent de se retourner sur lui-même en le poussant indéfiniment dans l’avenir. L’élan de conscience, qui manifeste l’élan de vie, échappe à l’analyse par sa simplicité. Du moins peut-on étudier, dans les moments où il se ralentit, les conditions de l’équilibre mobile qu’il avait jusque-là maintenu, et analyser ainsi une manifestation sous laquelle transparaît son essence.

  1. Voir en particulier les auto-observations de Kraepelin et de MM. Dromard et Albès, articles cités.