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VI

L’EFFORT INTELLECTUEL[1]


Le problème que nous abordons ici est distinct du problème de l’attention, tel que le pose la psychologie contemporaine. Quand nous nous remémorons des faits passés, quand nous interprétons des faits présents, quand nous entendons un discours, quand nous suivons la pensée d’autrui et quand nous nous écoutons penser nous-mêmes, enfin quand un système complexe de représentations occupe notre intelligence, nous sentons que nous pouvons prendre deux attitudes différentes, l’une de tension et l’autre de relâchement, qui se distinguent surtout en ce que le sentiment de l’effort est présent dans l’une et absent de l’autre. Le jeu des représentations est-il le même dans les deux cas ? Les éléments intellectuels sont-ils de même espèce et entretiennent-ils entre eux les mêmes rapports ? Ne trouverait-on pas dans la représentation elle-même, dans les réactions intérieures qu’elle accomplit, dans la forme, le mouvement et le groupement des états plus simples qui la composent, tout ce qui est nécessaire pour distinguer la pensée qui se laisse

  1. Cette étude a paru dans la Revue philosophique de janvier 1902.