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Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/225

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parable d’elles : les mouvements intérieurs du cerveau, représentation parmi des représentations, n’ont donc pas à susciter les autres représentations, puisque les autres représentations sont données avec eux, autour d’eux. Mais insensiblement on arrive à ériger le cerveau et les mouvements intracérébraux en choses, c’est-à-dire en causes cachées derrière une certaine représentation et dont le pouvoir s’étend infiniment plus loin que ce qui en est représenté. Pourquoi ce glissement de l’idéalisme au réalisme ? Il est favorisé par bien des illusions théoriques ; mais on ne s’y laisserait pas aller aussi facilement si l’on ne s’y croyait encouragé par les faits.

À côté de la perception, en effet, il y a la mémoire. Quand je me remémore les objets une fois perçus, ils peuvent n’être plus là. Mon corps est resté seul ; et pourtant les autres images redeviendront visibles sous forme de souvenirs. Il faut donc bien, semble-t-il, que mon corps, ou quelque partie de mon corps, ait la puissance d’évoquer les autres images. Admettons qu’il ne les crée pas : du moins est-il capable de les susciter. Comment le ferait-il, si à un état cérébral déterminé ne correspondaient pas des souvenirs déterminés, et s’il n’y avait pas, en ce sens précis, parallélisme du travail cérébral et de la pensée ?

Nous répondrons que, dans l’hypothèse idéaliste, il est impossible de se représenter un objet en l’absence complète de l’objet lui-même. S’il n’y a rien de plus dans l’objet présent que ce qui en est représenté, si la présence de l’objet coïncide avec la représentation qu’on en a, toute partie de la représentation de l’objet sera, en quelque sorte, une partie de sa présence. Le souvenir ne sera plus l’objet lui-