Page:Bergson - L’Énergie spirituelle.djvu/50

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modifier, diriger, produire les mouvements dont elle n’est que le résultat ; en cela consiste la croyance à une volonté libre. La vérité est que si nous pouvions, à travers le crâne, voir ce qui se passe dans le cerveau qui travaille, si nous disposions, pour en observer l’intérieur, d’instruments capables de grossir des millions de millions de fois autant que ceux de nos microscopes qui grossissent le plus, si nous assistions ainsi à la danse des molécules, atomes et électrons dont l’écorce cérébrale est faite, et si, d’autre part, nous possédions la table de correspondance entre le cérébral et le mental, je veux dire le dictionnaire permettant de traduire chaque figure de la danse en langage de pensée et de sentiment, nous saurions aussi bien que la prétendue « âme » tout ce qu’elle pense, sent et veut, tout ce qu’elle croit faire librement alors qu’elle le fait mécaniquement. Nous le saurions même beaucoup mieux qu’elle, car cette soi-disant âme consciente n’éclaire qu’une petite partie de la danse intracérébrale, elle n’est que l’ensemble des feux follets qui voltigent au-dessus de tels ou tels groupements privilégiés d’atomes, au lieu que nous assisterions à tous les groupements de tous les atomes, à la danse intracérébrale tout entière. Votre « âme consciente » est tout au plus un effet qui aperçoit des effets : nous verrions, nous, les effets et les causes. »

Voilà ce qu’on dit quelquefois au nom de la science. Mais il est bien évident, n’est-ce pas ?, que si l’on appelle « scientifique » ce qui est observé ou observable, démontré ou démontrable, une conclusion comme celle qu’on vient de présenter n’a rien de scientifique, puisque, dans l’état actuel de la science, nous n’entrevoyons même pas la possibilité de la vérifier. On allègue, il est vrai, que la loi de