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L’HÉRÉDITÉ DE L’ACQUIS

d’ailleurs dans une observation antérieure des mêmes physiologistes[1], c’est le fœtus déjà formé qui est influencé par les toxines. Mais d’autres recherches de Charrin ont abouti à montrer que le même effet peut être produit, par un mécanisme analogue, sur les spermatozoïdes et les ovules[2]. En somme, l’hérédité d’une particularité acquise pourrait s’expliquer, dans les expériences de Brown-Séquard, par une intoxication du germe. La lésion, si bien localisée qu’elle paraisse, se transmettrait par le même processus que la tare alcoolique, par exemple. Mais n’en serait-il pas de même pour toute particularité acquise qui devient héréditaire ?

Il y a un point, en effet, sur lequel s’accordent ceux qui affirment et ceux qui nient la transmissibilité des caractères acquis : c’est que certaines influences, comme celle de l’alcool, peuvent s’exercer à la fois sur l’être vivant et sur le plasma germinatif dont il est détenteur. En pareil cas, il y a hérédité d’une tare, et tout se passe comme si le soma du parent avait agi sur son germen, quoiqu’en réalité germen et soma aient simplement subi, l’un et l’autre, l’action d’une même cause. Ceci posé, admettons que le soma puisse influencer le germen, comme on le croit quand on tient les caractères acquis pour transmissibles. L’hypothèse la plus naturelle n’est-elle pas de supposer que les choses se passeront dans ce second cas comme dans le premier, et que l’effet direct de cette influence du soma sera une altération générale du plasma germina-

    dants de lésions développées chez les ascendants (C. R. de l’Ac. des sciences, vol. CXXXV, 1902, p. 191). Cf. Morgan, Evolution and adaptation, p. 257, et Delage, L’hérédité, 2e édit., p. 388.

  1. Charrin et Delamare, Hérédité cellulaire (C. R. de l’Ac. des sciences, vol. CXXXIII, 1901, p. 69-71).
  2. Charrin, L’hérédité pathologique (Revue générale des sciences, 15 janvier 1896).