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L’ÉVOLUTION DE LA VIE

tif ? S’il en était ainsi, ce serait par exception, et en quelque sorte par accident, que la modification du descendant serait la même que celle du parent. Il en sera comme de l’hérédité de la tare alcoolique : celle-ci passe sans doute du père aux enfants, mais elle peut prendre chez chacun des enfants une forme différente, et chez aucun d’eux ne ressembler à ce qu’elle était chez le père. Appelons C le changement survenu dans le plasma, C pouvant d’ailleurs être positif ou négatif, c’est-à-dire représenter ou le gain ou la perte de certaines substances. L’effet ne reproduira exactement sa cause, la modification du germen provoquée par une certaine modification d’une certaine partie du soma ne déterminera la même modification de la même partie du nouvel organisme en voie de formation que si toutes les autres parties naissantes de celui-ci jouissent, par rapport à C, d’une espèce d’immunité : la même partie sera alors modifiée dans le nouvel organisme, parce que la formation de cette partie se sera trouvée seule sensible à la nouvelle influence ; — encore pourra-t-elle être modifiée dans un tout autre sens que ne l’était la partie, correspondante de l’organisme générateur.

Nous proposerions donc d’introduire une distinction entre l’hérédité de l’écart et celle du caractère. Un individu qui acquiert un caractère nouveau s’écarte par là de la forme qu’il avait et qu’auraient reproduite, en se développant, les germes ou plus souvent les demi-germes dont il est détenteur. Si cette modification n’entraîne pas la production de substances capables de modifier le germen, ou une altération générale de la nutrition susceptible de le priver de certains de ses éléments, elle n’aura aucun effet sur la descendance de l’individu. C’est ce qui arrive sans doute le plus souvent. Que si, au contraire, elle a quelque effet, c’est probablement par l’intermédiaire d’un change-