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L’ÉLAN VITAL

qu’à regret. Le spermatozoïde, qui met en mouvement le processus évolutif de la vie embryonnaire, est une des plus petites cellules de l’organisme ; encore n’est-ce qu’une faible portion du spermatozoïde qui prend réellement part à l’opération.

Mais ce ne sont là que des différences superficielles. En creusant au-dessous d’elles, on trouverait, croyons-nous, une différence plus profonde.

L’œuvre fabriquée dessine la forme du travail de fabrication. J’entends par là que le fabricant retrouve exactement dans son produit ce qu’il y a mis. S’il veut faire une machine, il en découpera les pièces une à une, puis les assemblera : la machine faite laissera voir et les pièces et leur assemblage. L’ensemble du résultat représente ici l’ensemble du travail, et à chaque partie du travail correspond une partie du résultat.

Maintenant, je reconnais que la science positive peut et doit procéder comme si l’organisation était un travail du même genre. À cette condition seulement elle aura prise sur les corps organisés. Son objet n’est pas, en effet, de nous révéler le fond des choses, mais de nous fournir le meilleur moyen d’agir sur elles. Or, la physique et la chimie sont des sciences déjà avancées, et la matière vivante ne se prête à notre action que dans la mesure où nous pouvons la traiter par les procédés de notre physique et de notre chimie. L’organisation ne sera donc étudiable scientifiquement que si le corps organisé a été assimilé d’abord à une machine. Les cellules seront les pièces de la machine, l’organisme en sera l’assemblage. Et les travaux élémentaires, qui ont organisé les parties, seront censés être les éléments réels du travail qui a organisé le tout. Voilà le point de vue de la science. Tout autre, à notre avis, est celui de la philosophie.