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DÉVELOPPEMENT DE L’ANIMALITÉ

le terme. De ce nouveau point de vue, l’insuccès apparaît comme la règle, le succès comme exceptionnel et toujours imparfait. Nous allons voir que, des quatre grandes directions où s’est engagée la vie animale, deux ont conduit à des impasses, et que, sur les deux autres, l’effort a été généralement disproportionné au résultat.

Les documents nous manquent pour reconstituer le détail de cette histoire. Nous pouvons cependant en démêler les grandes lignes. Nous disions qu’animaux et végétaux ont dû se séparer assez vite de leur souche commune, le végétal s’endormant dans l’immobilité, l’animal s’éveillant au contraire de plus en plus et marchant à la conquête d’un système nerveux. Il est probable que l’effort du règne animal aboutit à créer des organismes encore simples, mais doués d’une certaine mobilité, et surtout assez indécis de forme pour se prêter à toutes les déterminations futures. Ces animaux pouvaient ressembler à certains de nos Vers, avec cette différence toutefois que les Vers aujourd’hui vivants auxquels on les comparera sont les exemplaires vidés et figés des formes infiniment plastiques, grosses d’un avenir indéfini, qui furent la souche commune des Échinodermes, des Mollusques, des Arthropodes et des Vertébrés.

Un danger les guettait, un obstacle qui faillit sans doute arrêter l’essor de la vie animale. Il y a une particularité dont on ne peut s’empêcher d’être frappé quand on jette un coup d’œil sur la faune des temps primaires. C’est l’emprisonnement de l’animal dans une enveloppe plus ou moins dure, qui devait gêner et souvent même paralyser ses mouvements. Les Mollusques d’abord avaient une coquille plus universellement que ceux d’aujourd’hui. Les Arthropodes en général étaient pourvus d’une carapace ; c’étaient des Crustacés. Les plus anciens Pois-