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L’ÉVOLUTION DE LA VIE

physico-chimique, même s’ils ne sont pas, au sens propre du mot, anagénétiques. Quant à l’imitation artificielle de l’aspect extérieur du protoplasme, doit-on y attacher une réelle importance théorique, alors qu’on n’est pas encore fixé sur la configuration physique de cette substance ? De le recomposer chimiquement il peut encore moins être question pour le moment. Enfin une explication physico-chimique des mouvements de l’Amibe, à plus forte raison des démarches d’un Infusoire, parait impossible à beaucoup de ceux qui ont observé de près ces organismes rudimentaires. Jusque dans ces manifestations les plus humbles de la vie ils aperçoivent la trace d’une activité psychologique efficace[1]. Mais ce qui est instructif par-dessus tout, c’est de voir combien l’étude approfondie des phénomènes histologiques décourage souvent, au lieu de la fortifier, la tendance à tout expliquer par la physique et la chimie. Telle est la conclusion du livre vraiment admirable que l’histologiste E.-B. Wilson a consacré au développement de la cellule : « L’étude de la cellule paraît, en somme, avoir élargi plutôt que rétréci l’énorme lacune qui sépare du monde inorganique les formes, même les plus basses, de la vie.[2] »

En résumé, ceux qui ne s’occupent que de l’activité fonctionnelle de l’être vivant sont portés à croire

  1. Maupas, Étude des Infusoires ciliés (Arch. de zoologie expérimentale, 1883), p. 47, 491, 518, 549 en particulier. — P. Vignon, Recherches de cytologie générale sur les épithéliums, Paris, 1902, p. 655. — Une étude approfondie des mouvements de l’Infusoire, et une critique très pénétrante de l’idée de tropisme, a été faite dans ces derniers temps par Jennings (Contributions to the study of the behavior of lower organisms, Washington, 1904). Le « type de conduite » de ces organismes inférieurs, tel que Jennings le définit (p. 237-202), est incontestablement d’ordre psychologique.
  2. « The study of the cell has on the whole seemed to widen rather than to narrow the enormous gap that separates even the lowest forms of life from the inorganic world. » (E. B. Wilson, The cell in development and inheritance, New-York, 1807, p. 330.)