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BIOLOGIE ET PHYSICO-CHIMIE

que la physique et la chimie nous donneront la clef des processus biologiques[1]. Ils ont surtout affaire, en effet, aux phénomènes qui se répètent sans cesse dans l’être vivant, comme dans une cornue. Par là s’expliquent en partie les tendances mécanistiques de la physiologie. Au contraire, ceux dont l’attention se concentre sur la fine structure des tissus vivants, sur leur genèse et leur évolution, histologistes et embryogénistes d’une part, naturalistes de l’autre, sont en présence de la cornue elle-même et non plus seulement de son contenu. Ils trouvent que cette cornue crée sa propre forme le long d’une série unique d’actes constituant une véritable histoire. Ceux-là, histologistes, embryogénistes ou naturalistes, sont loin de croire aussi volontiers que les physiologistes au caractère physico-chimique des actions vitales.

À vrai dire, ni l’une ni l’autre des deux thèses, ni celle qui affirme ni celle qui nie la possibilité de jamais produire chimiquement un organisme élémentaire, ne peut invoquer l’autorité de l’expérience. Elles sont toutes deux invérifiables, la première parce que la science n’a pas encore avancé d’un pas vers la synthèse chimique d’une substance vivante, la seconde parce qu’il n’existe aucun moyen concevable de prouver expérimentalement l’impossibilité d’un fait. Mais nous avons exposé les raisons théoriques qui nous empêchent d’assimiler l’être vivant, système clos par la nature, aux systèmes que notre science isole. Ces raisons ont moins de force, nous le reconnaissons, quand il s’agit d’un organisme rudimentaire tel que l’Amibe, qui évolue à peine. Mais elles en acquièrent davantage si l’on considère un organisme plus complexe, qui accomplit un cycle réglé de transformations. Plus la

  1. Dastre, La vie et la mort, p. 43.