Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/23

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La scène se passe à Lyon, où Berlioz, déjà célèbre, est venu donner un concert : « Messieurs, dit-il aux artistes de son orchestre, j’ai l’honneur de vous présenter M. Dorant, un très-habile professeur de Vienne ; il a parmi vous un élève reconnaissant ; cet élève, c’est moi, vous jugerez peut-être tout à l’heure que je ne lui fais pas grand honneur ; cependant veuillez accueillir M. Dorant comme si vous pensiez le contraire et comme il le mérite[1]. » En effet, MM. Imbert et Dorant n’avaient pas eu à se plaindre de leur disciple ; dès l’âge de douze ans, celui-ci déchiffrait à première vue, chantait juste, avait composé un quintette, et jouait de trois instruments agréables en société, à savoir : la flûte, le flageolet et la guitare.

Nous voilà loin, n’est-ce pas ? des biographes qui prétendaient que Monsieur Berlioz n’avait cédé qu’à une vocation tardive et que, jusqu’à l’adolescence, il s’était occupé de tout autre chose que de musique ; d’abord la lettre Ire de notre recueil (à Ignace Pleyel) prouve le contraire. Et puis, la vérité ressort d’elle-même : Hector ne fut ni un petit prodige, ni un esprit en retard. Souvent la nature se dépense en premiers efforts et s’épuise après ; tel qui promettait de passer pour un génie a beaucoup de peine à devenir un homme médiocre dès qu’il est arrivé à l’âge de raison ; tel autre, qui n’excitait l’attention de personne, fleurit et éclate tout à coup, comme un bourgeon printanier. Casimir Delavigne, pour ne citer que lui, était toujours mis au pain sec quand il étudiait le De Viris ; cependant sa réputation d’auteur dramatique fut très-précoce, puisque à vingt-six ans, il était illustre dans le quartier de l’Odéon.

M. Louis Berlioz destinait son fils à la médecine ; c’était

  1. Grotesques de la musique, p. 279. Édition Michel Lévy. Voyage en France : lettres à Édouard Monnais.