Page:Berlioz - Correspondance inédite, 1879, 2e éd. Bernard.djvu/272

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Paris ; mais ce dernier n’est pas venu me voir, et j’en suis à me demander pourquoi. Cet excellent Morel n’a voulu accepter que la moitié de ce que je lui avais envoyé pour tes frais de séjour chez lui et m’a renvoyé le reste.

J’ai été encore bien malade et au lit ce mois-ci ; me voilà de nouveau sur pied et je reprends le travail interrompu de ma partition. Avant-hier, j’ai fait une lecture de mon poème des Troyens chez notre confrère de l’Institut M. Hittorf. Il y avait une grande réunion de peintres, statuaires, architectes de l’Institut ; M. Blanche, secrétaire du ministre d’État ; M. de Mercey, directeur des beaux-arts, etc., etc. J’ai eu un véritable succès ; on a trouvé cela grand et beau, on m’a interrompu plusieurs fois par des applaudissements. Enfin, cela m’a rendu un peu de courage pour achever mon immense partition.

Voilà à peu près toutes mes nouvelles, cher Louis ; ma sœur m’écrit de temps en temps de charmantes lettres ; mon oncle est à Cannes dans le Midi, où il se chauffe au soleil pendant que nous grelottons à Paris. J’ai reçu, il y a quelques jours, une longue lettre de M. de Bulow, l’un des gendres de Liszt, celui qui a épousé mademoiselle Cosima. Il m’apprend qu’il a donné sous sa direction un concert à Berlin et qu’il y a fait exécuter avec grand succès mon ouverture de Cellini et le petit morceau de chant : le Jeune Pâtre breton. Ce jeune homme est l’un des plus fervents disciples de cette école insensée qu’on appelle en Allemagne l’école de l’avenir. Ils n’en démordent pas et veulent absolument que je sois leur chef et leur porte-drapeau. Je ne dis rien, je n’écris rien, je ne puis que les laisser faire ; les gens de bon sens sauront voir ce qu’il y a de vrai.